Je vous recommande Kenshoji à la fois pour faire l’expérience spirituelle de la méditation kanjingyo, et pour rencontrer son prêtre charismatique.

L’entrée du temple Kenshoji se trouve à l’arrière d’une des petites rues tranquilles de Tomonoura. Construit au XVIIème siècle, ce lieu de culte des adeptes du bouddhisme Nichiren dans cette ville portuaire porte les traces du temps sur sa façade en bois et son toit recouvert de tuiles ornées. Se rendre à Kenshoji ce n’est pas seulement l’occasion de profiter de la compagnie des chats qui viennent errer autour du temple ou d’admirer les dorures extravagantes du bâtiment, c’est aussi une chance unique de s’essayer à des pratiques ascétiques, qui revêt ici la forme de la méditation kanjingyo.


Kanjingyo, un voyage intérieur

L’ascétisme est un mode de vie religieux qui demande beaucoup d’auto-discipline et de renoncement. Bien qu’une expérience ascétique puisse sembler intimidante, le moine bouddhiste de Kenshoji, Suzuki-san, propose une approche plus ouverte que ce qui peut se faire ailleurs. Il accueille aussi bien les adeptes du Nichiren que de parfaits novices qui n’ont jamais médité et ne sont pas familiers avec les fondements du bouddhisme.

Quand je suis arrivé au Kenshoji, Suzuki-san m’accueillit, vêtu d’un jogging et d’un sweatshirt. Il me serra la main vigoureusement et me gratifia d’un sourire chaleureux. Difficile de ne pas se laisser immédiatement séduire par le charisme de Suzuki-san, même les chats errants le suivaient partout où il allait.

Suzuki-san est partit se changer pour revêtir rapidement sa robe religieuse, et je l’ai retrouvé dans le bâtiment principal du temple pour commencer ma session de kanjingyo. Il m’expliqua brièvement la philosophie et le déroulement de la méditation. Une méditation propre au Kenshoji. Suzuki-san me demanda de m’asseoir au milieu de la pièce, face à l’autel. Il alluma de l’encens puis prit place derrière moi, sur une estrade de prière.

Notre méditation ne dura pas plus de quinze minutes. Suzuki-san recitait des sutras en permanence et la mélodie monotone et répétitive de sa voix créait une ambiance apaisante. Il me demanda seulement de fermer mes yeux, de calmer mon esprit, et de regarder à l’intérieur de moi.

Les trois lettres kanji qui composent le mot kanjingyo pourraient être à peu près traduits par observation, cœur et esprit, et voyage. Le bouddhisme Nichiren demande à ses adeptes de se focaliser sur le soi, partant du concept que la transformation intérieure des individus contribue à la création d’un monde meilleur. Suzuki-san tente de rendre cette introspection plus accessible à ceux qui n’ont aucune pratique de la méditation.

Après quelques minutes à réciter des sutras sans s’interrompre, Suzuki-san se dirigea vers le tambour taiko qui se trouvait dans un coin de la pièce. Tout en continuant son chant de sutras, il se mit à jouer du tambour, et le son profond et impressionnant du taiko se mit à résonner dans toute la pièce. Je pouvais sentir les vibrations du tambour sur la plante de mes pieds et jusque dans ma poitrine. Cela m’emmena encore un peu plus loin de mes préoccupations quotidiennes et cette courte séance calma totalement mon esprit.

 

Rallye de 4×4 en compagnie d’un prêtre bouddhiste

Si j’ai apprécié la méditation kanjingyo, j’ai trouvé que la personne de Suzuki-san était en soit une des attractions du Kenshoji. Après notre séance de méditation, nous avons discuté autour d’une tasse de thé vert et d’un momiji-manju, un petit gâteau en forme de feuille d’érable fourré à la pâte de haricot, spécialité de la préfecture d’Hiroshima. Suzuki-san adore faire des blagues, et malgré son sérieux lorsqu’il recite des sutras, notre conversation fut ponctuée d’éclats de rire.

Suzuki-san s’avéra être un bon ami à se faire en ville. Quelques jours après ma visite au temple, je tombai sur lui dans un café en bord de plage, entrain de déguster une pizza cuite au feu de bois tout en profitant de la vue qui donnait sur la mer intérieure de Seto. Une fois de plus il avait troqué ses habits de prêtres pour un survêtement. Bien qu’il ne soit pas en service, il me reconnut immédiatement et sauta de sa chaise pour me saluer puis me proposa de me ramener en ville à bord de sa voiture lorsque j’aurai terminé mon repas. J’acceptais son offre.

Mais après avoir quitté le café ensemble, ce que je découvrais garé dans la rue ne ressemblait en rien aux petits vans miniatures que l’on trouve partout à Tomonoura, bien pratiques pour se déplacer dans les rues dangereusement étroites de la ville. La véhicule de Suzuki-san était un véritable monster truck miniature, un 4×4 surélevé par d’immenses roues démesurées. Suzuki-san se délecta de mon expression de surprise et éclata de rire. Il secoua les clefs et me fit signe de grimper sur le siège passager.

J’ai tout de suite remarqué le tableau de contrôle plein d’interrupteurs portant la mention ‘’POUR CIRCUIT DE COURSE UNIQUEMENT’’ et le levier de vitesse plus qu’impressionnant. J’ai bouclé ma ceinture. Juste au moment où je me disais que Suzuki-san mettait à mal tous les stéréotypes du prêtre bouddhiste un peu austère, il baissa les vitres, alluma sa stéréo et lança un morceau de Jay-Z tiré de la bande originale de Bad Boyz II. Nous sommes remontés en ville tout en plaisantant, pendant que Suzuki-san dévalait les petites rues de campagnes avant de se frayer un chemin à travers le dédale de routes pavées du quartier historique.

Ma visite au Kenshoji s’est révélée riche, m’apportant autant de relaxation et d’ascétisme que d’excitation et de moments savoureux. Sans aucun doute l’un de mes plus beaux souvenirs de mon voyage à Tomonoura, je recommande de visiter Kenshoji à la fois pour l’expérience spirituelle de la méditation kanjingyo et pour la compagnie de ce prêtre charismatique.


Kenshoji
Adresse/ 1205 Ushiroji,Tomocho, Fukuyama-shi, Hiroshima
Tel/ +81-84-982-3069
URL/ https://tomonoura.npnp.jp/spot/13533/
Parking/ Non

Auteur : Andrew Deck
Traduit de l’anglais par Joachim Ducos